Histoire de la bibliothèque

Histoire de la bibliothèque

 
LES ORIGINES
 
En 1950/1951, Yvon BORE, Roger CORPARD et d’autres militants créent la « Bibliothèque des Temps Nouveaux », au n° 13 du Cours Saint André, sur lequel ont é té construits des locaux provisoires.
Pour diffuser la connaissance par la lecture, dans un cadre qu’on appellera « La Bataille du Livre », Roger Corpard lancera, en mai 1953, la création de la « Bibliothèque Paul Eluard », du nom du poète décédé quelques mois plus tôt. C’est une BBL-« Bibliothèque Bataille du Livre », implantée dans un quartier populaire, Doul on, dotée d’une vingtaine de livres contenus dans une petite armoire peinte en vert et située dans une arrière-salle du café de L’Etape, 136 bd Dalby.
 
Pendant trois ans, elle va fonctionner sous l’impulsion et l’animation de ses fondateurs. Mais, après trois années de fonctionnement, il devi ent nécessaire de se doter d’une organisation, association avec Statuts, contacts pl us fréquents avec les « abonnés » par un bulletin et une assemblée annuelle.
 
Une première assemblée générale est donc prévue le 29 avril 1953 et un courrier du 21 avril est envoyé à chacun.
 
Une des personnalités invitées, Emile DAVID, s’excu sera de son absence par un courrier qui sera lu lors de la réunion, et dont des extraits so nt repris ci-après :
 
«. . . je pense que cette œuvre salutaire à laquelle tu t’ es consacré doit être maintenue coûte que coûte et même développeé. Je crois que c’est un besoin impérieux car tout homme conscient de ses responsabilités, soucieux de conna ître la vérité, ne peut rechercher celle-ci que dans les écrits d’hommes de diverses tendances, relatant objectivement ce qu’ils ont vu ou observé. Le développement de la BBL, c’est tout simplement –excuse-moi l’expression – le « débourrage des crânes ». Comment réaliser cette t âche ? Je suppose que, parmi les lecteurs de la bibliothèque de notre quartier, il se trouve bien quelques bonnes volontés pour aider à son maintien puis à son développement. Un Comité de Direction chargé de ce travail pourrait être élu à cette réunion ... Ma satisfaction sera d’a utant plus grande que vous aurez réussi à grouper autour de cette BBL un nombre important d’a mis issus de tous les milieux et de tous les horizons politiques, philosophiques ou religieu x. Notre devise lire pour apprendre, apprendre pour être plus apte à guider tous ceux qu i désirent vivre en Paix, dans un Monde meilleur, où il y aura du Pain et des Roses pour to us. Grand succès à votre réunion et à notre BBL ! »
 
(Emile DAVID, ancien combattant 14/18, interné, pèr e de fusillé, Président de la FNDIRP)
 
C’est une réunion importante, certes, parce qu’elle est la première mais aussi parce que les deux rapports qui seront présentés par Roger Corpar d et Yvon Boré confirmeront la démarche entreprise quelques années plus tôt et l’organisati on nécessaire à la pérennité de cette création. Yvon Boré, artiste-peintre, animateur des « Temps Nouveaux », 13, Cours Saint-André, préside le Comité de parrainage de la bibliothèque Paul Eluard . Quelques extraits de son rapport qu’il faut replacer dans le contexte de l’époque :
 
« Votre bibliothèque est une bibliothèque de livres p rogressistes . Qu’est-ce donc que la littérature progressiste ? C’est en général toute l ittérature qui fait apprécier l’homme, ses luttes, ses œuvres, sa marche vers l’avenir, en un mot toute littérature qui rend l’homme plus humain. Or, une campagne permanente, systématique, d’obstru ction est faite dans notre pays à la publication et à la diffusion des œuvres progressis tes. C’est enfin et surtout la corruption des esprits ; il n’est que de citer cette écoeurante presse du cœur que vous connaissez tous où des dactylos é pousent leur prince charmant, où tous les conflits se règlent à l’amiable dans le meilleur de s mondes. La presse enfantine n’est pas mieux partagée. Pour l’élite, c’est différent. Outre la Série Noire et les « digests », les romans brodent et dissertent sur les thèmes de l’absurde, du désespoi r, du tragique, de l’acte gratuit ou bien, sous couvert de psychanalyse, on développe des hist oires de complexes, de refoulement, prétextes à des justifications de crimes ou à des j eux pornographiques. Les ouvrages scientifiques ou philosophiques sont rédigés dans u n tel charabia de spécialistes que seuls ceux-ci ont quelques chances de s’y retrouver. Vous conviendrez aisément que dans tout cela, il n’y a guère de place pour la définition que nous avons donnée du livre progressiste. . . »
 
C’est dans ce climat qu’est née une initiative de l ’écrivain Elsa Triolet, ce qu’on a appelé la Bataille du Livre . Qu’est-ce donc que la Bataille du Livre ? C’est t out simplement la rencontre des écrivains et des lecteurs.. On discut e des œuvres, des idées du contenu des livres. Le lecteur s’aperçoit que l’écrivain doit ê tre comme tout le monde et non un être plus ou moins original et inaccessible. L’auteur, le rom ancier puise, lui, des trésors d’enseignement en prenant contact avec la matière même de son œuvre.
Mais afin que ces rencontres ne restent pas sans le ndemains, on créa les bibliothèques de la Bataille du Livre ou plus simplement les BBL.
Un millier de BBL ont ainsi vu le jour en France ap portant un courant d’air frais et développant ce goût bien français de la lecture mom entanément endormi par la qualité médiocre de la littérature contemporaine et endorm i aussi il faut bien le dire par le rythme harassant de la vie moderne qui met les nerfs à rud e épreuve et ne laisse guère de temps pour les loisirs.
Notre bibliothèque des Temps Nouveaux s’est décentr alisée puisque c’est avec l’aide et le dévouement de notre ami Roger Corpard que la biblio thèque Paul Eluard qui est en quelque sorte notre fille spirituelle a pu à son tour voir le jour et prendre son essor. »
 
Le rapport de Roger Corpard se veut avant tout prag matique. Plutôt notes que rapport écrit, voici quelques extraits :
 
« . . .s’il fallait définir par quelques formules et quelques chiffres la situation actuelle de notre bibliothèque, voilà ce que cela donnerait : 1 ) 89 abonnés ; 2) 21 000 francs de dettes ; 3) pas d’argent en caisse ( - 5 000 francs) ; 4) pa s de local pratique ; 5) pas de rayonnages suffisants (un meuble ne nous appartenant pas) ; 6) pas d’organisation., pas d’organisation réelle ...un fossé entre les abonnés et la direction, la ges tion de la bibliothèque; seulement un ensemble d’animateurs dévoués. C’est, je crois, la raison profonde d’un petit nombre d’abonnés du fait de l’absence d’un moyen de travail collectif réel... »
 
Roger Corpard passe ensuite en revue les abonnement s ; il faut que ce moyen financier devienne plus important et pour cela il faut double r le nombre d’abonnés, les souscriptions (en baisses en 1955), la tombola, la vente de livres...
 
Et puis le local : « nous aurions plus de plaisir à recevoir nos abonnés chez eux . C’est impossible pour le moment : c’est l’inconvénient de la salle de café. »
 
Entre autres suggestions, le secrétaire propose de créer une permanence le dimanche matin, un journal mensuel « pour intéresser les abonnés », une assemblée annuelle et l’organisation de bals.
Le premier bal aura lieu le 6 octobre et sera un succès.
Le premier journal mensuel sort en juin 1956 et le dernier avant de quitter le boulevard Dalby sera daté de mai 1969 et portera le n° 112.
 
 
BOULEVARD DALBY
 
Le lieu n’étant pas affecté en permanence à la bibliothèque, celle-ci va réaliser un bulletin qui au fil des mois (environ 10 par an) ajoutera, à des informations de fonctionnement et de commentaires sur l’activité du moment, des listes d es ouvrages entrés dans le fonds de la bibliothèque. Ce bulletin durera jusqu’au départ du Bd Dalby en mai 1969.
Pendant cette période les Assemblées Générales seront l’occasion de présenter des expositions, de projeter des films et de suivre des conférences. Elles eurent parfois lieu hors du siège de la bibliothèque, le Caf é de l’Etape: a insi au Tourbillon ou à la Bourse du Travail. Sans subvention de la mairie, - elle viendra plus tard, peu élevée - , la marche financière en dehors des cotisations sera assurée par des recette s de bals, de ventes de livres, de séances de cinéma et la tombola qui durera jusqu’à ces dernièr es années.
 
En février 1958, c’est la fusion avec la bibliothèq ue des Temps Nouveaux. Des permanences ont lieu Cours Saint-André, le samedi après-midi et le dimanche matin à Dalby.
En 1959, l’expérience d’une permanence est faite ch ez un abonné de la Marhonnière le dimanche matin.
En 1960, le ville de Nantes rasant le provisoire du Cours Saint-André, il n’y a plus de permanence le samedi après-midi. Extrait du rapport moral de l’Assemblée Générale du 26 février 1961 ;
 
« Nous avons dans un baraquement du Cours Saint-André une succursale de la bibliothèque. Il y avait, là aussi, un dépôt d’ouvrages à vendre qui était pour nous une source de revenu appréciable. Nous avons été expulsés. Tous les bara quements ont été détruits par décision de la Municipalité et nous n’avons rien reçu en échang e malgré nos multiples démarches. En 1958, ces ventes ont couvert 25% de nos dépenses, e n 1959, 39%. En 1960, les bénéfices du fait de cette démolition sont tombés à 11% environ et en 1961, il n’y aura rien ! »
 
L’ASSEMBLEE GENERALE des 10 ANS : 1963
 
Après un rappel sur la Bataille du Livre, la biblio thèque des Temps Nouveaux, sur l’action d’Yvon Boré pour épauler le démarrage de la bibliot hèque Paul Eluard, le rapport moral évoque la « différence » avec d’autres bibliothèques :
 
« ...d’abord, c’est que notre bibliothèque est animée p ar des ouvriers, par des travailleurs et pour eux seulement. Notre bibliothèque, c’est d’abo rd le travail de gens sans titre, d’ajusteurs, de maçons, de manœuvres, de ménagères, etc...Certes, de nombreux intellectuels se sont joins à notre travail mais le caractère de notre action n’a jamais varié : être près du peuple, près des travailleurs. C’est pourquoi nous tenons à mettre particulièrement à la disposition de nos abonnés des livres qui ne laisse nt pas le lecteur indifférent comme une sorte de défi qui est lancé de changer quelque chos e à nous-mêmes et au monde. Oui, des livres qui veulent faire passer les rêves d’aujourd ’hui dans la réalité de demain, des livres qui posent avec une particulière densité des problèmes réels pour des hommes réels, dans un monde réel; des livres qui ne se détachent pas de la beauté qu’ils expriment. Le développement de notre bibliothèque pose égalem ent des problèmes nouveaux. Devons- nous rester une bibliothèque de quartier ?Devons-no us rester tributaires d’un débit de boissons et confinés dans une arrière salle obscure ? De plus, l’achat constant de nouveaux livres, de nouvelles revues, ne nous permet plus d e travailler dans de bonnes conditions ; il faut trouver un nouveau local, c’est impératif !
Cette Assemblée Générale doit être le départ d’une progression nouvelle. Le capital livres accumulé depuis 10 ans ne doit pas dormir. Notre bi bliothèque ne doit pas être un musée mais un outil de travail.. Les travailleurs, nous e n sommes convaincus,, ont soif de connaître, d’apprendre. Encore faut-il leur en donner les moye ns. Nous pensons que dans ce combat, notre bibliothèque a un rôle à jouer : il faut orie nter audacieusement notre activité dans ce sens , et notre nouveau Comité d’Organisation devra s’en préoccuper particulièrement. »
 
RUE AMIRAL DUCHAFFAULT
 
Obligée de quitter le Bd Dalby, la bibliothèque Pau l Eluard est accueillie au 7, rue Amiral Duchaffault, dans un local de la Fraternité Protestante.
Deux puis ensuite trois pièces sont aménagées par l es bénévoles pour recevoir déjà les milliers de livres qui composent la bibliothèque.
On y verra des expositions fixes et des bulletins s eront édités.
Lors des assemblées générales, parmi les problèmes soulevés, il y avait celui d’un fichier car les bulletins ne pouvaient pas avec 4 ou 6 pages n e pouvaient pas répertorier toute la richesse acquise de la bibliothèque.
C’est dans ce local de la rue Amiral Duchaffault qu e fut décidée, en 1978, par le Comité de Direction qui avait remplacé les Comités d’Organisa tion et de parrainage, la création d’un fichier manuel..
Travail de maquette, tirage à l’offset, massicotage , trouage du carton d’une manière très artisanale, emboutissage de bacs métalliques, tiges filetées et écrous à papillon...Il restait à remplir les fiches à la machine (peu), et à la mai n comme aujourd’hui encore...
Ce fut d’abord le fichier documentaire ; pour ces o uvrages, une fiche pour l’auteur, deux, parfois trois, pour les thèmes abordés dans le livre.
 
L’ASSEMBLEE GENERALE du 12 juin 1985
 
Cette Assemblée générale fut retardée afin de préci ser les modalités de départ de la rue Amiral Duchaffault pour Saint-Herblain.
 
Extraits : « . . .en 1969/70, à l’arrivée rue Amiral Duchaffau lt, il y avait 8 000 livres pour 35 mètres- carrés. En 1978, ce chiffre est de 19 000 !
 
Le problème du local se posant à nouveau, des pourp arlers avec les municipalités de Nantes et Saint-Herblain ont lieu dès 1980. Après le changeme nt de municipalité à Nantes en 1983, notre demande est formulée auprès de la seule munic ipalité de Saint-Herblain. Début 1985, un accord est conclu pour que la bibliothèque Paul Elu ard puisse s’installer au 32 avenue des Plantes, après des travaux d’aménagement et pour un e surface accessible aux abonnés de 210 mètres-carrés.
Comme le local de la Fraternité doit être libéré po ur le 1 er septembre 1985, il faudra mettre en cartons et démonter tous les rayonnages, installés pendant les vacances. La réinstallation avenue des Plantes étant prévue en début 1986, la d urée des abonnements sera prolongée des mois de fermeture.
Une Assemblée Générale tenue début 1986 procédera à une modification des Statuts de l’Association avec un Conseil d’administration remp laçant le Comité de direction de la bibliothèque.
 
 
(Emile Chesnais mai/nov 2003)